La Revue du Vin de France : Foncez sur le millésime 2023 !

Les Dégustations 

Bordeaux primeurs 2023 

Millésime 2023 – Bonnes affaires à Bordeaux ! 

Que les amateurs de bordeaux se rassurent, oui, la région signe encore un beau millésime qui s’insérera parfaitement dans la série qui a démarré il y a dix ans. Encore un, direz-vous ?

Oui, c’est tant mieux pour tout le monde. On le constate, l’évolution climatique, les moyens, le développement des connaissances, le travail à la vigne et au chai ont lissé vers le haut la qualité des vins. Et hors catastrophe climatique, toujours possible, les piètres millésimes tels que Bordeaux en a connus jusqu’aux années 2000 appartiennent au passé.

La principale question qui était sur toutes les lèvres durant ces dégustations primeurs était plutôt de savoir comment commercialiser ces vins et donner envie aux amateurs de les acheter et surtout de les boire, dans un contexte de crise profonde. Un vaste sujet sur lequel nous reviendrons, mais puisque l’objet de ce papier est de dresser le portrait des 2023, voilà ce que l’on peut en retenir.

PLUS PROFOND QUE 2021, MOINS PUISSANT QUE 2022

Dans le Médoc, le profil du millésime lui permet, malgré deux vagues de chaleur marquantes, de le classer dans la famille des millésimes frais, avec une belle trame acide préservée et une expression du fruit plus rouge que noir. 2023 est indiscutablement plus épaulé et profond que 2021, mais moins complet et puissant que 2022. Beaucoup de vins ont donc des profils assez « classiquement médocains », au sens noble du terme, avec des belles qualités de tanins.

À PESSAC-LÉOGNAN, PRIORITÉ AUX BLANCS

Non loin de là, les blancs de Pessac-Léognan offrent une homogénéité qualitative intéressante, notamment les crus classés, sans pour autant se couler dans le même moule. Portés par des sensations d’acidité adéquates et même parfois vives, les vins illustrent l’évolution stylistique qui semble marquer le retour d’une primauté de la matière par rapport à l’expression aromatique, que cette dernière soit variétale ou marquée par le bois neuf.

C’est une bonne nouvelle pour l’évolution de cette longue quête : l’identité du grand blanc sec bordelais. D’autant que les blancs secs du Sauternais, et notamment ceux des crus classés, déclarés en appellation Bordeaux blanc, montent en puissance et laissent entrevoir cette année les prémices d’une possible identité collective, logiquement davantage fondée sur le sémillon qu’en appellation Pessac-Léognan. Il y a de l’émulation dans l’air !

Les rouges sont beaucoup plus hétérogènes. On sent souvent à la dégustation les contraintes culturales du millésime, les limites imposées par la matière et l’importance des choix techniques. Hétérogènes non seulement en qualité mais du point de vue du style… Il faut enfin souligner la modération des degrés alcooliques, un soulagement dans le contexte de répétition des millésimes « solaires » que nous connaissons.

POMEROL TRÈS HOMOGÈNE

Sur l’autre rive, Pomerol a le sourire ! Cela s’explique par la singularité de sa météo par rapport aux autres appellations. Alors que bon nombre de secteurs ont connu un excès de pluviométrie, Pomerol a reçu de manière espacée et modérée ses pluies (260 mm entre avril et septembre). Cela a engendré des rendements généreux sans tomber dans l’excès, mais surtout de ne pas connaître les problèmes de mildiou.

Ces rendements ont permis d’obtenir des matières à la juste concentration et de faire jaillir avec précision toutes les nuances des sols dont les vins sont issus. De plus, grâce à un été couvert, les pH demeurèrent bas, permettant de garder de belles structures acides, et ce, malgré les pics de chaleur. 2023 concilie donc le meilleur des millésimes chauds et des millésimes froids : maturité sans excès, rondeur de tanins, fraîcheur désaltérante et haute définition des terroirs, le tout avec un niveau homogène.

À SAINT-ÉMILION, LA HIÉRARCHIE RESPECTÉE

Une tendance partagée chez les voisins de Saint-Émilion où les vins renouent avec davantage de classicisme. Là, où le merlot pouvait monter dans les tours ces dernières années généreusement ensoleillées, il s’est exprimé avec bien plus de mesure en 2023. Floral et tendre, voilà deux adjectifs revenus fréquemment au cours de notre dégustation. Deux qualités donc ! Si les vins n’offrent pas une concentration impressionnante, ils se distinguent réellement par une certaine délicatesse, une finesse de style, très agréable à ce stade de l’élevage.

Les directeurs techniques des propriétés qui ont réussi ce millésime nous le confient : il a fallu ne pas se laisser piéger par des rendements trop élevés pour éviter la dilution et vinifier « en douceur » pour ne pas extraire des tanins dans une matière en demi-corps.

Au final, la hiérarchie des terroirs de Saint-Émilion est plutôt respectée. Les vins du plateau sont d’une classe folle, portés par une trame très élégante. Les coteaux sudistes conservent une fraîcheur et parfois une vivacité bienvenues. Globalement, la part de bois neuf dans les élevages diminue. Un élément qui paraît essentiel pour préserver le panache de ces vins plus élancés que corpulents.

TRÈS BEAU À SAUTERNES

Enfin, le vent est-il en train de tourner à Sauternes ? Voici en tout cas un deuxième très beau millésime d’affilée. Le botrytis s’est installé plus précocement qu’en 2022, sur des raisins ayant conservé une belle acidité, grâce notamment à la fraîcheur des nuits du mois d’août. À ce stade précoce la pureté des expressions aromatiques est remarquable. Comme l’an dernier nous insistons sur le fait que ce rapport illustre davantage une perception globale de la qualité du millésime qu’une hiérarchie des crus, d’autant plus difficile à établir que les échantillons reflètent des stades d’évolution différents.

Les conditions de la dégustation

Les vins ont été dégustés au sein des différentes appellations et châteaux par Olivier Poels (Médoc), Alexis Goujard (Saint-Émilion), Pierre Citerne (Pessac-Léognan et Sauternes) et Pierre Vila Palleja (Pomerol) entre le 8 et le 19 avril 2024.

Une baisse historique des prix

 Après des années de hausse constante des prix (+ 24%en moyenne pour le millésime 2022 par rapport à 2021), les crus classés de Bordeaux engagent de concert une baisse de leurs tarifs. Heureuse nouvelle ! Au moment où nous rédigeons ces lignes, les premières annonces augurent une décrue significative des prix, entre 30 et 50 % en moyenne. Citons Lafite Rothschild 2023 : 570 €contre 834 € en 2022 (- 32%), Léoville-Las Cases 2023 : 194 €contre 396 €en 2022 (- 51%), Pontet-Canet 2023: 92 € contre/26 €en 2022 (-27%), Valandraud 2023: 126 €contre 179 € en 2022 (-30%), Clos du Marquis 2023 : 53 €contre 85 €en 2022 (-38%). – Jérôme Baudouin

 

LA RVF N°681 – JUIN 2024

Source : article provenant de la Revue du Vin de France, disponible sur larvf

marie.dupire
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